Science & Vie et son «Guide des vaccins»: pour la science, on repassera



Science & Vie vient de sortir un «Guide des vaccins» (4.99 € la version numérique), présenté hier sur France Inter comme «bluffant» en termes de qualité scientifique. En ce qui concerne le seul chapitre que nous avons consulté, à savoir celui dédié aux vaccins anti-HPV, clairement, nous ne partageons pas cette appréciation élogieuse.

1. Il est toujours question des deux vaccins comme si ces dernires étaient équivalents, alors qu’ils ne sont pas fabriqués de la même manière, n’ont pas le même adjuvant et n’ont pas été testés dans des essais permettant la comparaison. L’emploi systématique du pronom «ils» pour les désigner brouille cette différence sans la moindre raison valable.

2. L’emploi de la formule «les études» est fait sans préciser de quoi on parle – des études de phase III ou des études de phases IV? Portant sur Gardasil®, sur Cervarix® ou sur les deux? -, ni évoquer les différences de fiabilité des différents types d’étude. La formule est de nature à induire le lecteur en erreur.

  • Pour mémoire, on rappellera ce que les RCT (meilleur niveau de preuve disponible à ce jour) ont montré:
    • pour Gardasil®: une réduction statistiquement non significative de l’incidence globale des CIN2+ de 16.9% – autrement dit pas de réduction du tout
    • pour Cervarix®:une réduction de l’incidence globale des CIN2+ de 54%, mais dont il est impossible d’apprécier la validité. En effet, les intervalles de confiance sont très larges et les auteurs des études de suivi n’ont pas fourni de valeurs de p (qui auraient permis d’apprécier si les résultats obtenus pouvaient être dû au hasard) – autrement dit, il se pourrait que Cervarix ne réduise pas l’incidence globale des CIN2+
  • On cherche en vain ces chiffres essentiels dans Sciences &Vie. Faute de références bibliographiques, impossible de savoir d’où sort le «60%» de réduction des lésions précancéreuses avancé dans ce tiré à part. S’il est issu d’études observationnelles, c’est clairement insuffisant pour suggérer qu’il s’agit d’un effet de la vaccination solidement documenté, étant donné les biais qui sont susceptibles d’affecter de telles études.

3. Science & Vie reprend la thèse selon laquelle il faudra attendre encore très longtemps pour savoir si le vaccin réduit l’incidence du cancer du col. Comme nous l’avons souligné à maintes reprises, cet argument est spécieux et détourne du vrai problème: on connaît depuis dix ans les résultats des essais de phase III; or ces derniers indiquent que la vaccination ne réduira pas l’incidence du cancer du col. Signalons juste que les chiffres de la Ligue suisse contre le cancer confirment cette absence d’effet: entre 2008 et 2015, l’incidence du cancer du col et la mortalité due au cancer du col n’ont pas bougé d’un iota en Suisse.

Bref, Science & Vie ne permet pas à ses lecteurs de se faire une idée objective des bénéfices que l’on peut attendre de cette vaccination. Pour la science, on repassera…

http://www.science-et-vie.com/video/au-sommaire-de-science-vie-hors-serie-le-guide-des-vaccins-7302