Vaccins Covid-19: ce que la fuite de l’EMA nous apprend sur l’instabilité de l’ARN messager



Une enquête originale de Serena Tinari de Re-Check a été publiée dans le British Medical Journal.

Extrait du communiqué de presse du BMJ:

«Les conclusions mettent en évidence les fragilités du processus de fabrication, mais les entreprises ne sont pas disposées à divulguer des informations. Des documents de l’Agence européenne des médicaments (EMA) ayant fait l’objet d’une fuite à la suite d’une cyberattaque en décembre montrent que certains des premiers lots commerciaux du vaccin Covid-19 de Pfizer-BioNTech présentaient des niveaux plus faibles que prévu de molécules d’ARN messager (ARNm) intactes. Ce sont ces molécules qui ordonnent à nos cellules de fabriquer un morceau inoffensif de la protéine du coronavirus, déclenchant ainsi une réponse immunitaire qui nous protège de l’infection si le véritable virus pénètre dans notre organisme. La molécule d’ARNm complète et intacte est essentielle à l’efficacité du vaccin. Mais dans une enquête spéciale publiée aujourd’hui dans The BMJ, Serena Tinari, journaliste, montre que l’EMA était préoccupée par la différence de qualité entre les lots cliniques et les lots commerciaux proposés du vaccin Pfizer-BioNTech. Plus précisément, l’EMA était très préoccupée par les quantités étonnamment faibles (environ 55%) d’ARNm intact dans les lots du vaccin développés pour la production commerciale. Ce problème concerne non seulement le vaccin de Pfizer-BioNTech, mais aussi ceux produits par Moderna, CureVac et d’autres, ainsi qu’un vaccin à ARNm de « deuxième génération » actuellement étudié par l’Imperial College de Londres. Dans un e-mail daté du 23 novembre, un haut responsable de l’EMA a exposé une série de problèmes. En résumé, les vaccins issus de la fabrication commerciale ne répondaient pas aux spécifications attendues, et les régulateurs n’étaient pas certains des implications sur la sécurité et l’efficacité. L’EMA a réagi en soumettant deux « objections majeures » à Pfizer, ainsi qu’une série d’autres questions auxquelles elle souhaitait obtenir une réponse. Finalement, le 21 décembre, l’EMA a autorisé le vaccin de Pfizer-BioNTech et, dans un rapport publié sur son site Web, elle relevait que « la qualité de ce médicament, soumis dans le contexte d’urgence de la pandémie actuelle (de Covid-19), est considérée comme suffisamment cohérente et acceptable ». Cependant, la manière dont les préoccupations de l’agence ont été satisfaites n’est pas claire, relève Serena Tinari. Le BMJ a demandé à Pfizer, Moderna et CureVac, ainsi qu’à plusieurs organismes de réglementation, quel pourcentage d’intégrité de l’ARNm ils considéraient comme acceptable pour les vaccins contre Covid-19.

Aucun d’entre eux n’a fourni de précisions et, dans une correspondance ultérieure, l’EMA, la Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis et Santé Canada, l’organisme canadien de réglementation des médicaments, ont tous déclaré que les informations spécifiques relatives aux critères d’acceptabilité étaient confidentielles. Pfizer a également refusé de commenter le pourcentage d’intégrité de l’ARNm qu’il vise, et n’a pas souhaité répondre aux questions concernant la cause de ce pourcentage d’intégrité de l’ARNm étonnamment bas dans certains lots, laissant sans réponse la question de savoir si cela pourrait se reproduire. Moderna a refusé de répondre aux questions du BMJ, tandis que CureVac a déclaré au BMJ qu' »il est trop tôt pour donner des détails ». Le manque d’informations peut refléter le manque de certitude, même parmi les régulateurs, sur la façon d’évaluer pleinement les preuves pour cette nouvelle technologie, suggère Serena Tinari.»

Article entier: BMJ 2021; 372 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.n627