par Catherine Riva, Serena Tinari – Re-Check.ch
22 avril 2020

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Un exécutif dont les conférences de presse sont accessibles uniquement en streaming et lors desquelles les seules questions que les journalistes ont le droit de poser sont celles qu’ils ont envoyées au moins une heure à l’avance par e-mail. Des points de presse du gouvernement auxquels seule une poignée de correspondants est autorisée à se rendre en personne. Des journalistes qui doivent obtenir une permission de la police pour interviewer des médecins et sont escorté>s par un agent durant leur travail. Ces instantanés ne sont tirés ni d’une science-fiction dystopique, ni d’un rapport dénonçant les conditions imposées aux journalistes par un autocrate: ils décrivent la nouvelle normalité des médias suisses à l’époque du coronavirus.

Depuis mars 2020, au nom de la lutte contre la pandémie, des centaines de millions de citoyens dans le monde sont privés de certains droits fondamentaux, comme la liberté de réunion, la liberté de manifestation ou encore la liberté de déplacement. Les écoles et les universités sont toujours fermées, la plupart des frontières bouclées, une bonne partie de l’activité économique interdite. Des armées ont été mobilisées et des instruments essentiels de contrôle démocratique (sessions parlementaires, votations) ont été suspendus au nom du droit de nécessité.

Cette crise sans précédent nous est présentée comme une crise sanitaire, alors que le scénario catastrophe d’une généralisation de la tragédie lombarde ne s’est pas vérifié et que dans certains pays, les hôpitaux sont même à moitié vides. Ses conséquences politiques et économiques directes, en revanche, sont très lourdes. Nombre de démocraties semblent même avoir atteint un point de bascule: aujourd’hui, les autorités peuvent invoquer la lutte contre le coronavirus pour décréter des mesures de censure, de surveillance et de répression qui auraient été encore impensables en janvier 2020 – et certains gouvernements ne s’en privent pas (1) (2). Dans le même temps, à cause des mesures prises, des millions de personnes ont sombré dans la précarité ou le dénuement.

Dans un contexte aussi extraordinaire et tendu, les médias assument une responsabilité cruciale.

Collaborations et proximités problématiques

Ils ont notamment le devoir de fournir au public des informations pertinentes, vérifiées et correctement mises en perspective pour que celui-ci puisse juger de manière éclairée si les décisions prises au nom de sa protection lui semblent justifiées avec toutes leurs conséquences. Or ce travail d’information ne peut être accompli que si les journalistes demandent régulièrement des comptes aux autorités pour défendre l’intérêt public et le droit des citoyens d’être informés. Comme l’a relevé à juste titre Vinzenz Wyss, professeur de journalisme à la Haute Ecole zurichoises des sciences appliquées à Winterthour (ZHAW) (3) (4): «Lorsque l’exécutif domine et que le débat parlementaire est réduit au silence, le journalisme doit être particulièrement vigilant. Les votes de l’exécutif en situation d’urgence ne sont pas juste un sujet parmi d’autres: les examiner est un devoir.»

Mais quelles sont les chances d’une couverture média présentant ces qualités essentielles quand les journalistes d’une télévision publique viennent ponctuellement travailler en renfort du service de communication des autorités?

Sept journalistes d’une radio et télévision de service public sont venus aider l’Etat-major de crise cantonal placé sous la direction de la police à communiquer à la population des contenus préparés main dans la main avec les autorités

La question peut sembler saugrenue dans une démocratie comme la Suisse qui souligne volontiers son attachement à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance des médias. Et pourtant, en 2019, RSI, la branche italophone de la radio-télévision suisse de service public, qui a ses quartiers généraux dans le canton du Tessin, a signé avec les autorités de ce canton un accord prévoyant qu’elle assurerait ce genre de prestations «en cas d’urgence». Notamment en mettant à disposition «le personnel et les moyens techniques nécessaires à la rédaction, la production et la diffusion des messages institutionnels et informatifs de l’Etat-major cantonal de crise» (5). Avec la pandémie, les conditions étaient réunies pour que cette «collaboration» soit mise en œuvre. Résultat: sept journalistes d’une radio et télévision de service public sont venus, par équipes, aider l’Etat-major de crise cantonal, placé sous la direction de la police, à communiquer à la population ce que les autorités estimaient qu’elle devait savoir, en mettant à disposition, comme convenu, «les canaux multimédias et la télévision» pour transmettre les contenus préparés main dans la main avec les autorités (6).

On peut également se demander quelles sont les chances d’une couverture média pertinente et fondée quand seuls certains correspondants sans compétences particulières sur les questions de santé ont accès aux conférences de presse des autorités, comme c’est le cas un jour sur deux au Centre des médias du Palais Fédéral, à Berne. Les autres journalistes – également triés sur le volet par l’administration –, eux, doivent «faire la queue» pour pouvoir poser leur question par téléphone ou par e-mail.

Les autorités tessinoises, pour leur part, ont exigé ces dernière semaines des médias qu’ils soumettent par écrit leurs questions (deux au maximum) plusieurs heures à l’avance, tout en précisant que lesdites questions ne pourraient être posées que si le temps disponible restait suffisant (7). Elles ont ainsi privé les journalistes de la possibilité d’insister en cas de réponse vague ou fuyante, mais surtout de poser des questions sur l’information délivrée lors des conférences de presse.

Enfin, certaines rédactions ont passé avec les autorités des accords qui n’autorisent plus qu’un «pool» de journalistes à accéder aux hôpitaux et à effectuer des reportages de manière «encadrée» (8). Et selon nos informations, dans un canton de Suisse romande, c’est la police qui règle l’accès des médias aux structures hospitalières; ses agents consultent aussi apparemment les notes prises par les journalistes. Malheureusement, les journalistes concernés n’osent pas dénoncer ces pratiques, ce qui montre bien qu’ils ne se sentent pas libres, voire qu’ils craignent pour leur poste.

Avec de telles règles du jeu, les journalistes ne sont ni en mesure d’accéder à l’information, ni d’établir une distance entre eux-mêmes et les autorités

Dans tous ces cas de figure, la probabilité d’une couverture média pertinente et fondée est très faible, voire nulle. Car avec de telles règles du jeu, les journalistes ne sont ni en mesure d’accéder à l’information, ni d’établir une distance entre eux-mêmes et les autorités. Ils doivent se contenter des éléments que l’exécutif et les administrations veulent bien leur donner et ne peuvent plus apprécier la qualité de cette information, ni la remettre en question, ni l’analyser.

Un journalisme «embedded» qui ne dit pas son nom

En acceptant de fonctionner de la sorte, les journalistes se mettent en situation de dépendance et de conflits d’intérêts qui les expose à risque massif de biais et d’influence. Or comme l’ont montré les exemples de reportages «embedded» lors de la guerre en Irak, une telle dépendance des médias vis-à-vis des autorités hypothèque invariablement la qualité de l’information. Par ailleurs, l’accès aux structures pertinentes pour la couverture de l’épidémie ne saurait être le privilège de quelques journalistes «invités». Mais surtout, pour tous les «non-embedded», il sera dès lors très difficile, voire impossible de confronter le gouvernement et l’administration.

Autre point préoccupant: aucun des médias concerné par ces pratiques n’a à ce jour déclaré au public de manière ouverte et pro-active les conditions dans lesquelles son travail s’opérait désormais: ni les détails des arrangements au terme desquels des reportages «en immersion» ont été réalisés, ni les difficultés rencontrées pour accéder aux conférences de presse, ni les limites qui ont été imposées pour mener des interviews, ni les collaborations éventuellement engagées avec les autorités. Pire encore, aucun média en Suisse n’a fermement dénoncé les contrôles et menaces dont certains journalistes ont fait l’objet, alors que comme l’a révélé le récent sondage d’Impressum, organisation professionnelle des journalistes du pays, au moins 38 professionnels détenteurs d’une carte de presse suisse ont été empêchés dans leur travail par les autorités depuis le début de la crise (9).

Ces silences donnent au public l’illusion que les journalistes peuvent continuer à travailler normalement. Que le droit à l’information s’exerce pleinement, que les médias ne subissent pas de pressions

Les résultats préliminaires de l’enquête d’Impressum auraient dû soulever un tollé. Ils ont été accueillis par un silence assourdissant qui est venu s’ajouter à tous les autres.

Or ces silences sont des plus problématiques. Car ils donnent au public l’illusion que les journalistes peuvent continuer à travailler normalement. Que le droit à l’information s’exerce pleinement, que les médias ne subissent pas de pressions ou encore qu’ils ont librement accès aux experts et aux sites de leur choix. Et donc que les recommandations des autorités et les témoignages de ceux qui sont «au front» constituent les éclairages les plus pertinents sur cette crise. Que les masques avec lesquelles les équipes de télévision s’exhibent constituent une protection indispensable pour l’exercice de leur métier dans les circonstances actuelles, alors qu’il s’agit de tournages en plein air, et que les personnes interviewées leur parlent à plusieurs mètres de distance.

Tant que les rédactions ne protestent pas, il est impossible de savoir, par exemple, si les restrictions tessinoises sont une exception ou si elles ont cours dans les autres cantons. Voire si dans certains cas, la situation est comparable à celle qu’on dénoncée des journalistes espagnols, à savoir des conférences de presse du gouvernement diffusées en streaming uniquement, dans le cadre de laquelle les médias devaient soumettre les questions à l’avance et où le gouvernement sélectionnait lui-même les questions auxquelles il souhaitait répondre (10).

Tant que les journalistes menacés par la police ne donnent pas de la voix, il est impossible de savoir si leur cas est isolé

Tant que les journalistes menacés par la police ne donnent pas de la voix, il est impossible de savoir si leur cas est isolé ou si ces pratiques sont systématiques. Et surtout de s’assurer qu’il y sera mis un terme.

Gageons que si les rédactions suisses avaient dénoncé dès le début les conditions qui leur ont été imposées, le 11 avril 2020, la plateforme pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe n’aurait pas seulement pointé du doigt la décision du gouvernement serbe d’exiger des journalistes qu’ils soumettent leurs questions à l’avance par écrit (11): elle aurait sans doute aussi tancé les autorités tessinoises, par exemple, qui avaient adopté la même pratique depuis plusieurs semaines déjà sans qu’aucune rédaction helvétique ne proteste publiquement. Les journalistes espagnols ont obtenu gain de cause et le gouvernement a modifié sa pratique. Et les Tessinois? Nous n’en savons rien.

Le mutisme des rédactions sur leurs conditions actuelles de travail pose encore un autre problème de taille: il donne au public l’illusion que tous les experts analysent la gravité de cette épidémie de la même manière, que les chiffres diffusés sont des indicateurs vérifiés et pertinents, et donc qu’il n’y a guère d’alternative aux mesures qui ont été prises.

Or rien de cela n’est vrai et le public doit en être informé.

Car au-delà de la récession économique ou de la suspension de certaines libertés publiques, l’une des conséquences majeures de la crise actuelle réside dans une couverture média qui glisse trop souvent vers un journalisme au mieux ankylosé et au pire complaisant (12) et trompeur (13) (14). Et qui, de fait, ne peut plus informer le débat démocratique.

Tentation manifeste d’instrumentaliser les médias

En s’embarquant de la sorte à bord d’un vaisseau contrôlé par les autorités, les médias acceptent de rester dans un état de sidération incompatible avec les standards éthiques liés à leur mission d’information.

Au point que désormais, on peut voir des journalistes s’excuser après avoir posé une question pertinente. Comme cela a été le cas lors du point de presse du 28 mars à Berne, lorsque Daniel Koch de l’Office fédéral de la santé publique a décrit comme «énorme» le chiffre de 280 personnes sous respiration artificielle en Suisse. Interrogé par un journaliste sur ce que serait la «normale» dans le domaine, Daniel Koch s’est contenté de secouer la tête d’un air réprobateur et de lâcher «Nous ne le savons pas». En dépit du caractère inacceptable de cette réponse, le journaliste s’est excusé, comme s’il avait agi de manière inadéquate alors qu’il ne faisait que son travail. Et aucun de ses collègues présents n’a bronché. Pourtant, sa question était parfaitement pertinente, car il faut toujours un comparateur pour mettre des chiffres en perspective. Et surtout, tout journaliste devrait protester haut et fort lorsque l’un de ses pairs est traité avec une condescendance pareille par un haut fonctionnaire qui présente la situation sur le front hospitalier sous un jour éminemment dramatique, sans préciser que globalement, les nouvelles sont bonnes puisque ces infrastructures ne sont pas débordées (15) (16) (17).

Les autorités et les administrations estiment peut-être que tout est bon pour maintenir la population en état de siège. Les médias, eux, ont un devoir de vérité

Les autorités et les administrations estiment peut-être que tout est bon pour maintenir la population en état de siège. Mais cela ne saurait être le cas des médias, qui ont un devoir de vérité envers le public.

Dans un article paru sur Medialex le 2 avril 2020 (18), Peter Hänni, professeur émérite de droit constitutionnel et administratif à l’Université de Fribourg, a livré un constat aussi lapidaire qu’inquiétant: «Le travail des journalistes est (…) de plus en plus entravé et la tentation d’instrumentaliser les médias devient manifeste.» Avant de rappeler que même lorsque le droit de nécessité s’applique, les journalistes et les médias «ne se transforment pas en exécutants de la Confédération et des cantons en raison de l’ordonnance COVID-19 (ordonnance 2). Ils peuvent donc épuiser tout l’éventail de leurs possibilités dans leurs recherches et publier des vérités gênantes. Ce faisant, ils ne font que remplir leur fonction réelle dans un Etat constitutionnel libre et démocratique».

Il est donc urgent que les journalistes suisses se ressaisissent et, forts de leur mission, demandent des comptes aux autorités et à l’administration, alimentent la pluralité du débat et pointent les incertitudes. Mais aussi qu’ils abordent leur rôle dans cette crise, «en exposant de manière transparente les conditions, les routines et les limites de la couverture médiatique, relevait encore Vinzenz Wyss. Cette autoréflexion des médias et des journalistes ne devrait pas se borner à présenter ce que c’est que du faire du journalisme en télétravail. Ce qu’il faudrait, c’est expliquer davantage et moins se regarder le nombril».


Précision importante, 26 avril 2020:

Notre commentaire «Le journalisme en mode pandémique: ‘embedded’, complaisant et incapable d’informer le débat démocratique» a suscité de nombreuses réactions, dont certaines nous ont montré la nécessité de préciser les points suivants:

  • ce texte n’est pas une enquête, mais un commentaire fondé sur une analyse de différentes informations disponibles;
  • les auteures de ce texte sont Catherine Riva et Serena Tinari;
  • ce texte a été publié sur Re-Check.ch, puis été repris par d’autres médias (Heidi.news, Bon Pour La Tête) et des sites web comme francophonie.ch.

Nous n’avons touché aucune rémunération, ni pour l’écrire, ni de la part des médias qui l’ont repris sur leur site.

Catherine Riva et Serena Tinari sont toutes deux des journalistes d’enquête spécialisées dans l’investigation des sujets de santé et dans l’enseignement de méthodes d’enquête dans ce domaine. En 2015, elles ont fondé Re-Check, une organisation indépendante spécialisée dans l’enquête et le mappage des affaires de santé (www.re-check.ch, @RecheckHealth). Catherine Riva et Serena Tinari exploitent seules le site www.re-check.ch et sont les seules auteures des textes qui y sont publiés. Lorsque des contributeurs invités publient des textes sur le site www.re-check.ch, leur nom est explicitement mentionné et les billets concernés sont tagués «Auteur invité – Guest author».


Giornalismo in modalità pandemia: embedded, compiacente e incapace di contribuire al dibattito democratico

Catherine Riva e Serena Tinari – Re-Check.ch
Pubblicato il 22.04.2020

Un esecutivo le cui conferenze stampa si possono seguire solo in streaming e nelle quali le uniche domande che i giornalisti hanno il diritto di porre sono quelle che hanno spedito per mail almeno un’ora prima. Sale-stampa governative a cui solo una manciata di corrispondenti è autorizzata ad accedere di persona. Giornalisti costretti a farsi rilasciare un permesso dalla polizia per intervistare dei medici, scortati da un agente durante il lavoro. Non sono istantanee estratte da una fantascienza distopica, o da un rapporto che denunci le condizioni imposte ai giornalistida un dittatore: descrivono la nuova normalità dei media svizzeri nell’epoca del coronavirus.

Da marzo 2020, in nome della lotta alla pandemia, centinaia di milioni di cittadini in tutto il mondo sono privati di alcuni diritti fondamentali, come la libertà di riunirsi, la libertà di manifestare e persino la libertà di spostarsi. Scuole ed università sono ancora chiuse, come la maggioranza delle frontiere, parte considerevole delle attività economiche è vietata. Sono stati mobilitati gli eserciti e strumenti essenziali di controllo democratico (sedute parlamentari, votazioni) sono stati sospesi invocando lo stato di necessità.

Questa crisi senza precedenti ci è stata presentata come una crisi sanitaria, quando lo scenario catastrofico di una generalizzazione della tragedia lombarda non si è verificato e in alcuni paesi ci sono addirittura ospedali per metà vuoti. Per contro, le conseguenze politiche ed economiche sono pesantissime. Numerose democrazie sembrano aver raggiunto un punto di svolta: al giorno d’oggi le autorità possono appellarsi alla lotta contro il coronavirus per decretare misure di censura, sorveglianza e di repressione che sarebbero state inimmaginabili ancora a gennaio 2020 -e certi governi non si fanno sfuggire l’occasione (1) (2). Al tempo stesso, in seguito alle misure adottate, milioni di persone sono sprofondate nella precarietà o nella povertà.

In un contesto così straordinario e drammatico, sui media ricade una responsabilità cruciale.

Collaborazioni e vicinanze problematiche

Questi hanno in primo luogo il compito di fornire al pubblico informazioni pertinenti, verificate e messe correttamente in prospettiva perché quello possa giudicare con chiarezza se le decisioni assunte invocando la sua difesa, e tutte le conseguenze che ne derivano, gli sembrano giustificate. Ma questo lavoro d’informazione può essere compiuto solo se i giornalisti chiedono sistematicamente conto alle autorità, in difesa dell’interesse pubblico e del diritto dei cittadini ad essere informati. Come ha notato a giusto titolo Vinzenz Wyss, docente di giornalismo alla Haute Ecole zurighese di scienze applicate a Winterthur (ZAHW) (3) (4): “Quando l’esecutivo è in posizione dominante e il dibattito parlamentare è ridotto al silenzio, il giornalismo deve essere particolarmente vigile. Le scelte dell’esecutivo in situazioni di emergenza non sono un qualsiasi soggetto tra altri: valutarle è un dovere.”

Ma quali sono le possibilità di una copertura mediatica che presenti queste qualità essenziali, se regolarmente giornalisti di una televisionepubblica si trovano a lavorare a supporto del servizio di comunicazione delle autorità?

Sette giornalisti di una radio e televisione di servizio pubblico sono venutiad aiutare lo Stato maggiore di crisi cantonale, posto sotto la direzione della polizia, a comunicare alla popolazione i contenuti preparati mano nella mano con le autorità.

Domanda che può apparire bizzarra in una democrazia come la Svizzera, che sottolinea volentieri il proprio attaccamento alla divisione dei poteri e all’indipendenza dei media. E tuttavia, nel 2019, RSI, branca italofona della radiotelevisione svizzera di servizio pubblico, che ha il proprio quartier generale nel Canton Ticino, ha firmato con le autorità di questo cantone un accordo che prevede che avrebbe assicurato questo tipo di prestazioni in caso di “eventi maggiori”. In particolar modo mettendo a disposizione “personale specializzato della RSI che garantirà il personale e i mezzi tecnici necessari per la redazione, la produzione e la divulgazione di messaggi istituzionali e informativi dello Stato maggiore cantonale di crisi” (5). Con la pandemia si sono verificate le condizioni perché questa collaborazione venisse avviata. Risultato: sette giornalisti di una radio e televisione di servizio pubblico sono venuti, a turni, ad aiutare lo Stato maggiore di crisi cantonale, posto sotto la direzione della polizia, a comunicare alla popolazione quanto le autorità stimavano che dovesse sapere, mettendo a disposizione, come stabilito, “i canali multimediali e la televisione” per trasmettere i contenuti preparati mano nella mano con le autorità (6).

Ci si può egualmente domandare quali siano le possibilità di una copertura mediatica pertinente e fondata, quando solo alcuni corrispondenti privi di competenze particolari sulle questioni sanitarie hanno accesso alle conferenze stampa delle autorità, come avviene un giorno su due al Centro media del Palazzo Federale, a Berna. Gli altri giornalisti -ugualmente selezionati dall’amministrazione -devono mettersi in coda per porre le loro domande al telefono o per e-mail. Le autorità ticinesi, da parte loro, hanno imposto ai media, in queste ultime settimane, di presentare in forma scritta le domande (due al massimo) molte ore prima, precisando comunque che queste domande sarebbero state poste solo se il tempo disponibile fosse stato sufficiente (7).Hanno così tolto ai giornalisti la possibilità di insistere, in caso di risposta vaga o evasiva, ma soprattutto di avanzare domande sull’informazione rilasciata durante la conferenza stampa. Infine, alcune redazioni hanno raggiunto con le autorità accordi che autorizzano non più di un pool di giornalisti ad entrare negli ospedali per effettuare reportage “in immersione” (8). Stando alle nostre informazioni, in un cantonedella Svizzera romanda è la polizia che regola l’accesso dei media alle strutture ospedaliere, e a quanto pare gli agenti controllano anche gli appunti presi dai giornalisti.

Con simili regole del gioco i giornalisti non sono né in grado di accedere all’informazione, né di mettere una distanza tra loro e le autorità.

In tutti i casi illustrati, la probabilità di una copertura mediatica pertinente e fondata è estremamente debole, se non nulla. Perché con simili regole del gioco i giornalisti non sono né in grado di accedere all’informazione, né di mettere una distanza tra loro e le autorità. Devono accontentarsi degli elementi che le autorità e le amministrazioni vogliono fargli pervenire e non possono più valutare la qualità di questa informazione, né metterla in dubbio, né analizzarla.

Giornalismo “embedded” non dichiarato

Accettando di operare in questo modo, i giornalisti si mettono in una situazione di dipendenza e di conflitto d’interesse che li espone al rischio consistente di distorsioni e di condizionamento. Ora, come hanno dimostrato gli esempi dei reportage “embedded” durante la guerra in Iraq, una dipendenza di questo genere dei media dalle autorità ipoteca inevitabilmente la qualità dell’informazione. Peraltro, l’accesso alle strutture idonee per la copertura dell’epidemia non dovrebbe essere il privilegio di alcuni giornalisti “invitati”. Ma soprattutto, per i “non embedded”, sarà da quel momento estremamente difficile, se non impossibile, affrontare il governo e l’amministrazione.

Altro motivo di preoccupazione: nessuno dei media che seguono queste pratiche ha, fino ad oggi, dichiarato pubblicamente, in maniera aperta e proattiva, le condizioni in cui il lavoro dei loro giornalisti ormai si svolge: né i dettagli delle disposizioni sulla cui base i reportage “in immersione” sono stati realizzati, né le difficoltà incontrate per intervenire alle conferenze stampa, né i limiti imposti alle interviste, né le collaborazioni eventualmente condotte con le autorità. Ancora peggio, nessun media in Svizzera ha fermamente denunciato controlli e minacce nei confronti di alcuni giornalisti, mentre, come ha rivelato il recente sondaggio di Impressum, organizzazione professionale nazionale della categoria, almeno 38 titolari di una tessera stampa sono stati ostacolati dalle autorità nel loro lavoro dall’inizio della crisi (9).

Questi silenzi danno al pubblico l’illusione che i giornalisti possano continuare a lavorarenormalmente. Che il diritto all’informazione si eserciti senza limiti, che i media non subiscano pressioni.

Questi risultati preliminari dell’inchiesta di Impressum avrebbero dovuto scatenare una protesta. Sono stati accolti da un silenzio assordante, che si è aggiunto a tutti gli altri.

Questi silenzi sono quanto mai problematici. Perché danno al pubblico l’illusione che i giornalisti possano continuare a lavorare normalmente. Che il diritto all’informazione si eserciti senza limiti, che i media non subiscano pressioni e che abbiano libero accesso agli esperti e ai siti di loro scelta. E quindi che le raccomandazioni delle autorità e le testimonianze di quanti sono “al fronte” costituiscano i chiarimenti più appropriati su questa crisi. Che le mascherine con cui le équipe televisive si presentano costituiscano una protezione indispensabile per svolgere il loro lavoro nelle attuali circostanze, mentre si tratta di riprese all’aperto, con le persone intervistate che parlano a diversi metri di distanza.

Fin quando le redazioni non protestano, sarà impossibile sapere, per esempio, se le restrizioni ticinesi sono un’eccezione o se sono adottate da altri cantoni. O anche se, in certi casi, la situazione sia comparabile a quella denunciata da giornalisti spagnoli, ossia di conferenze stampa governative diffuse soltanto in streaming, nelle quali i media dovevano inviare in anticipo le domande ed era il governo a selezionare quelle a cui desiderava rispondere (10).

Fin quando i giornalisti minacciati dalla polizia non faranno sentire la loro voce, sarà impossibile sapere se si tratta di casi isolati.

Fin quando i giornalisti minacciati dalla polizia non faranno sentirela loro voce, sarà impossibile sapere se si tratta di casi isolati o se queste pratiche sono sistematiche. E soprattutto, assicurarsi che vengano a cessare.

Scommettiamo che se le redazioni svizzere avessero denunciato dal primo momento le condizioni che gli sono state imposte, l’11 aprile 2020, la piattaforma per la protezione del giornalismo e la sicurezza dei giornalisti del Consiglio d’Europa non soltanto avrebbe stigmatizzato la decisione del governo serbo di esigere che i giornalisti presentino in anticipo e per iscritto le loro domande (11): avrebbe anche senza dubbio rimproverato le autorità ticinesi, per esempio, che avevano adottato la stessa pratica già da molte settimane, senza che nessunaredazione elvetica avesse pubblicamente protestato. I giornalisti spagnoli hanno avuto causa vinta e il governo ha modificato la pratica. E i Ticinesi? Non lo sappiamo.

Il mutismo delle redazioni sulle attuali condizioni di lavoro pone ancora un altro nonpiccolo problema: dà al pubblico l’illusione che tutti gli esperti analizzino la gravità di questa epidemia nello stesso modo, che i dati diffusi siano indicatori verificati e pertinenti, e di conseguenza che non vi siano alternative alle misure prese.

Ora niente di tutto questo è vero e il pubblico deve esserne informato.

Perché al di là della recessione economica o della sospensione di alcune libertà, una delle maggiori conseguenze della crisi attuale risiede in una copertura mediatica che scivola troppospesso verso un giornalismo, nel migliore dei casi, anchilosato, e nel peggiore compiacente (12) ed ingannevole (13) (14). E che quindi, di fatto, non può più contribuire al dibattito democratico.

La tentazione di strumentalizzare i media diventa manifesta

Imbarcandosi in questo modo su una nave controllata dalle autorità, i media accettano di restare in uno stato di soggezioneincompatibile con gli standard etici che attengono al loro compito di informare.

Al punto che, ormai, è possibile vedere dei giornalisti scusarsi dopo aver posto una domanda pertinente. Come è accaduto il 28 marzo a Berna, durante la conferenza stampa, quando Daniel Koch, dell’Ufficio federale della sanità pubblica, ha definito “enorme” il numero di 280 persone ricoverate in un reparto di terapia intensiva in Svizzera. Quando un giornalista gli ha chiesto cosa si dovrebbe considerare “normalità” in questo campo, Daniel Koch si è contentato di scuotere la testa con aria di rimprovero e biascicare: “Non lo sappiamo”. Malgrado il carattere inaccettabile di questa risposta, il giornalista si è scusato, come se avesse agito in maniera inopportuna, mentre non aveva fatto che il proprio lavoro. E nessuno dei colleghi presenti ha detto una parola. Eppure la sua domanda era del tutto pertinente, perché occorre sempre un riferimento per mettere i dati in prospettiva. E soprattutto, ogni giornalista dovrebbe protestarecon decisione quando un collega è trattato con tale condiscendenza da un alto funzionario che dipinge la situazione sul fronte ospedaliero sotto una luce eminentemente drammatica, senza precisare che, globalmente, le notizia sono buone perché queste infrastrutture non sono sature (15) (16) (17).

Le autorità e le amministrazioni ritengono forse che tutto è lecito per tenere la popolazione in stato di assedio. Ma questo non dovrebbe essere il caso dei media, che hanno un dovere di verità verso il pubblico.

Le autorità e le amministrazioni ritengono forse che tutto è lecito per tenere la popolazione in stato di assedio. Ma questo non dovrebbe essere il caso dei media, che hanno un dovere di verità verso il pubblico.

In un articolo apparso su Medialex il 2 aprile 2020 (18), Peter Hänni, professore emerito di diritto costituzionale e amministrativo all’università di Friburgo, ha fatto un rilievo tanto lapidario quanto inquietante: “Il lavoro dei giornalisti è (…)sempre più ostacolato e la tentazione di strumentalizzare i media diventa manifesta.”Prima di ricordare che anche quando si applica lo stato di necessità, giornalisti e media “non si trasformano in assistenti federali e cantonali in ragione dell’ordinanza Covid-19 (ordinanza 2). Possono dunque attingere a tutto il ventaglio delle possibilità nelle loro ricerche e pubblicare verità imbarazzanti. In questo modo, non fanno che adempiere alla loro funzione reale in uno Stato costituzionale libero e democratico”.

E’ allora urgente che i giornalisti svizzeri si rimettano in piedi e, forti della loro missione, chiedano conto alle autorità e all’amministrazione, alimentando il pluralismo del dibattito e sottolineando le incertezze. Ma anche che definiscano il lororuolo in questa crisi, “spiegando in maniera trasparente le condizioni, le routine e i limiti della copertura mediatica”, come notava ancora Vinzenz Wyss. “Questa autoriflessione dei media e dei giornalisti non dovrebbe limitarsi a illustrare cos’è il giornalismo in telelavoro. Sarebbe opportuno che spiegassero di più e si guardassero di meno l’ombelico.”